Le LN : où en est-on, pour quel futur ?

Bonsoir les gens, comment vous allez ? Aujourd’hui, pas d’article d’achats, mais plutôt une tentative de comprendre ce qu’il se passe en ce moment dans un marché qui me tient à coeur : le LN en France. Car ce weekend a eu lieu un évènement qui me fait remettre des choses en question, de part l’évènement mais aussi de bruits de couloir lus ou entendus à droite à gauche, et qui me font aller vers une question importante : aujourd’hui, 26 novembre 2024, puis-je conseiller aux gens d’acheter du LN ? Et plus le temps passe, moins la réponse me plaît.

Pour les nouveaux : c’est quoi un LN ?

Pour répondre à la question, je vous renvoie vers un très vieil article que j’ai fait sur Tumblr, puis migré ici-même fin 2018. Pour faire simple, LN ou « Light Novel » sont des romans courts japonais. Et ils sont à l’origine d’énormément d’animes que vous avez pu voir : Spice & Wolf, SAO, Date A Live, Ascendance of a Bookworm, Monogatari, Les Carnets de l’Apothicaire, DanMachi, et j’en passe et des meilleurs. Vraiment, c’est la base d’une quantité astronomique d’animes et de mangas que vous avez pu lire ou voir.

Un premier essai de les proposer chez nous a été très mal exécuté par Hachette en 2009 avec « La mélancholie de Haruhi Suzumiya », ce qui a coulé le marché immédiatement avant qu’Ofelbe ne retente avec SAO en 2014, ce qui a failli très mal se finir mais qui a été rattrapé.

Depuis l’article de 2018, plusieurs éditeurs se sont mis aux LN. Que ce soient les éditeurs de mangas pour sortir les romans dérivés de gros mangas (Fairy Tail, My Hero Academia…) ou des filiales (Kuropop pour Kurokawa, Pika Roman pour Pika, Lumen pour Ki-oon) ou même des indépendants (LaNovel). Et le marché a continué de…survivre. Oui, j’utilise ce mot, car concrètement on ne peut pas dire que ça ait grandement évolué.

La « semaine du LN », ou la fausse bonne idée ?

Début juillet 2024, je tombe sur un évènement organisé sur les réseaux sociaux nommé la « semaine du LN ». Au programme, communications par plusieurs éditeurs, mises en avant en librairies et magasins, de quoi tenter de remettre en avant le format du LN. J’en avais fait un long thread sur Twitter, mais bon comme je sais que beaucoup n’y sont pas, voici la version dépliée (j’en ai une version PDF si jamais ce lien expire). Pour faire très simple, j’exprime mon incompréhension de faire un tel marketing sur un format qui, non seulement n’a quasiment aucun succès, mais qui semble en plus tout faire pour ne pas donner envie. 0 promo en-dehors de ça, 0 effort chez pas mal d’éditeurs, 0 tentative d’investissement massif, des formats de livre qui vont à l’encontre de ce que veut le public… Pour résumer, ils ont préféré faire de la com’ au lieu d’écouter d’abord les lecteurs, faire des modifications et promouvoir ces dernières. Surtout que la communication était essentiellement dirigée par un éditeur, et sur 2 réseaux il me semble (Instagram, et relais sur Twitter pour dire de).

Comment vous voulez relancer un marché avec une campagne de promo à moitié bâclée et qui ne parle pas des problèmes du média, ne cherche pas à les trouver ni à les régler, et qui ne dit plus rien dès que c’est fini ? Bref, 6 ans après mon premier article, les choses ont stagné, et personne ne s’est posé de vraies questions.

26 novembre 2024, fin brutale de LaNovel

Et voici ce qui m’a motivé à écrire ici. Le 26 novembre 2024, la maison d’édition LaNovel a annoncé sur les réseaux sociaux que c’est la fin. Brutalement, alors que rien n’y préparait. LaNovel, c’était l’éditeur chez nous d’Infinite Dendrogram (que j’aime d’amour), La Petite Faiseuse de Livres (Ascendance of a Bookworm en anglais), So I’m a Spider So What, ou encore The Faraway Paladin. Ils faisaient aussi les versions françaises de certains LN sur la plateforme J-Novel Club Nina, maison d’édition numérique spécialisée dans les LN. Pas de licence ultime, mais des sorties régulières, du boulot à foison, des annonces populaires, on s’attendait à ce que ça continue de marchoter pour eux.

Et pourtant, LaNovel a coulé. Comme ça d’un coup. Et voir cela m’a fait réaliser qu’on perd encore un acteur sur le marché, et vu la tête du marché, c’est pas prêt de s’améliorer à mon sens.

Quel est le marché du LN en France du coup ?

Car oui, si la situation s’est développée depuis 2018 et mon article d’introduction, je ne peux pas dire que tout soit parti dans le bon sens. Pourquoi ? Hé bien, je l’avais fait dans mon fil Twitter mais refaisons un peu le tour du marché.

LaNovel ? Fermés du coup. Pas mal de licences en suspens.

Mahô Editions ? J’avoue ne pas m’y intéresser, mais je n’ai pas l’impression qu’ils aient de titres aptes à faire exploser des ventes.

Pika Roman ? ils continuent un peu, mais la saga Monogatari a 0 chance de revenir chez eux vu qu’ils n’ont pas l’air d’avoir été convaincus.

Kuropop ? Ils sortent 2 tomes par an, un par série, qui ne sont pas relus ou corrigés, sans promo, et le cher patron de Kurokawa n’en a rien à foutre. On n’abandonne pas mais c’est même pas du service minimum qui est fait dessus.

Meian ? Fondé par des enfoirés de première, aucun respect pour le client ou les libraires, jamais ils n’auront mes sous.

Tobikawa Bunk-nan je plaisante.

Lumen ? Je n’ai que Les Carnets de l’Apothicaire chez eux, et c’est sans doute la maison d’édition qui a le mieux compris ce qu’il fallait faire, à quelques détails de censure près.

Ofelbe ? Ils sont vivants ? Nan parce que bon, niveau news on a eu un planning il y a un an et plus, qui n’a pas été suivi, et bon on ne sait jamais ce qu’il s’y passe.

Rien ne va. Le marché n’a jamais décollé. Il n’a jamais décollé car tout le monde semble s’être dit que de faire ça en dilettante, en tentant des raccourcis ou en n’investissant pas, ça allait marcher. Toutes ces années de sorties dans des formats impossibles à transporter, à des tarifs élevés, avec bien trop de soucis et de fautes pour que ça fasse sérieux chez certains, à écouter des faux fans qui réclament des trucs qu’ils n’achèteront de toute façon jamais, et puis on voit une ME fermer. C’est une catastrophe le LN en France, et clairement ce n’est pas que de la faute du public.

« Que » ? Car maintenant le public est fautif de ne pas acheter ?

Oui et non. Je m’explique.

Commençons déjà par le public en lui-même. Si ça marche au Japon, c’est parce que le japonais moyen achète peu, mais cher. En gros, ça ne le dérange pas d’acheter ses animes 80€ les 2 épisodes, d’acheter tous les formats d’une licence qui lui plait (LN, mangas, animes), bref c’est dans leur ADN. Sans compter les plateformes d’auto-édition de web novel (à l’origine de bon nombre de LN), c’est très ancré chez eux.
Dans les pays anglophones, on a des gros éditeurs dans le secteur : Yen Press dans le lire physique, J-Novel dans le monde numérique. Et ça semble marcher, vu que YP est encore là et que J-Novel Club vit toujours et semble populaire (j’avoue, là c’est une impression).
En France ? Le français moyen a grandi avec le scantrad et/ou le fansub. Et malheureusement, alors qu’aujourd’hui c’est devenu quasiment inutile, ça persiste avec le côté « téléchargement illégal ». Combinez cela au fait que le français se contente souvent d’un format et basta, parfois 2 s’il est vraiment fada (anime + manga), et vous comprendrez que le nombre de clients potentiels est déjà réduit.

Ensuite, parlons de ces « fans ». Vous savez, ceux qui pleuraient pour le LN Haruhi, ceux qui priaient pour avoir le LN Index, ceux qui ont convaincus plusieurs éditeurs de lancer des titres « populaires », coucou les cercles de fans de DuRaRaRa. Ben vous étiez où quand le LN est sorti bande d’enfoirés ? Et pour Index (oui le tome était assez calamiteux, mais de base il s’est pas vendu non plus) ? Et tous ces cercles qui prétendent « être fans et supporter les éditions françaises » avant de faire circuler des PDF sur des Discord pleins de chiens de la casse ? Vous êtes où bandes de larves ? Car oui, j’en parlais plus tôt, mais certains estiment toujours que c’est tolérable de ne pas acheter et de rester sur des versions pirates.

Enfin, le public potentiel. Car de vous à moi, vous en voyez beaucoup des LN en magasins vous ? Moi j’ai ma boutique de manga spécialisée donc j’en vois, mais en Fnac et autres magasins culturels ? Ben faut les trouver, surtout du coup avec leurs formats bizarres et pas de poche. Il existe une cible qui n’a jamais entendu parler des LN, et personne ne veut tenter d’aller les voir. Les plus proches de cela selon moi, c’est Lumen. Alors ils ont des romans en format géant, oui, mais ils tentent de se montrer et de rendre leurs éditions plus visibles et attrayantes.

Je n’en veux pas à celleux qui ne connaissent pas, ou n’arrivent pas à avoir confiance envers les éditeurs de LN. Mar contre j’accuse ces gens qui se déclarent fans d’un truc mais préfèrent laisser crever les opportunités pur ne pas débourser le moindre centime, quitte à laisser mourir les tentatives de leur proposer du travail pro.

Mais alors du coup, ces LN… On achète ou pas ?

…Je n’ai pas envie de répondre à cette question.

Je n’en ai pas envie car je hais cette réponse, moi qui ai poussé partout depuis + de 6 ans partout.

Je n’ai pas envie car je connais des gens qui bossent dans le milieu, bossent bien, et pour certaines me lisent.

Mais bon, je dois le dire, car je pense qu’un palier a été franchi.

Je déconseille l’achat de LN en France. Et en tant que gros lecteur ça me fait mal de le dire.

Je déconseille car vu comme une maison d’édition peut fermer d’un coup, vu les éditeurs qui ne font rien de bien de ce qu’ils ont, vu l’état du marché, comment je peux conseiller l’achat à qui que ce soit ?

Je pense sincèrement que le LN en France va juste mourir. Au fil des mois, des années, les sorties vont se raréfier, et ça va s’arrêter. Et ça va me faire de la peine, car je suis fan de ce format. Mais rien n’est fait pour le maintenir réellement en vie, plus de nouveautés impactantes, les acteurs ne font rien pour que ça s’améliore… Vraiment je ne vois pas d’issue heureuse, et ça me fait de la peine. Et de ce que j’ai pu entendre, y aurait actuellement en coulisses une situation de merde qui se prépare et qui finirait d’achever le marché si cela s’avérait vrai. Du coup, je suis ultra pessimiste sur l’avenir du LN en France, et je me demande de plus en plus non pas si ça va finir, mais quand.

Voilà, félicitations d’être arrivé(e) jusqu’ici, c’est un billet assez morose et déprimant aujourd’hui, mais je ne voulais pas faire encore des fils à rallonge sur les réseaux sociaux et je voulais quand même poser un peu par écrit tout ce que je pense de la situation de merde du LN en France.

Sur ce, je vous laisse retourner à vos occupations, faites attention à vous, et comme d’habitude n’hésitez pas à réagir à cet article en commentaire, ou sur Facebook (inactif en public, sert juste pour quelques groupes, amis et les annonces de nouveaux articles), Twitter, Bluesky ou Mastodon ! A la prochaine tout le monde !

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  1. La lecture de ton article me fait penser aux conférences autour du light novel de cette dernière Japan Expo. Cela disait notamment que le marché du LN commençait à exister, et définitivement, quoi qu’en disent certains éditeurs. Cocasse ! Pas de Kurokawa en intervenant, mais apparemment ils étaient là en scred dans le public 🤡 .

    J’avais posé une question où je leur faisais la réflexion que je trouvais étrange qu’ils fassent un historique en mettant le point sur les LN historiques, mais qu’à côté de ça ce n’était pas les LN qu’ils essayaient de mettre en France en priorité. Je veux dire, ce serait comme si on sortait de la France le dernier roman de gare avant de sortir du Molière. La réponse m’a pas mal embêté. La popularité et l’actualité jouent beaucoup pour eux. Non pas qu’ils ne veulent pas, qu’ils disent, mais ils ont des impératifs à faire pour exister.

    Bref, je trouve toute la situation tristoune. Et non sans être complètement en accord avec toi, c’est vrai que j’ai ce sentiment que ça se sabote pas mal tout seul…
    De mon côté, que le marché du LN soit moribond ou non «  » » » » »n’a pas d’importance » » » » » », je continuerai à le soutenir pour ces LN que j’ai envie de lire en français. Je ne souhaite évidemment pas sa mort, mais il est certain que la voie vers un marché florissant n’a pas été trouvée.

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